Travaux Suspendus

Un fonds solidaire contre l'habitat indigne créé par une CAE du bâtiment

Grégoire est à la direction de Travaux Suspendus, une initiative née en 2017 au sein de Cabestan, une coopérative d’activité et d’emploi (CAE) du bâtiment en Auvergne‑Rhône‑Alpes. Travaux Suspendus est un dispositif de collecte des dons qui permet de financer des travaux pour des ménages en difficulté. Les dons sont faits au moment de la facturation des travaux d’autres ménages, qui peuvent décider de faire un arrondi solidaire. Le nom “Travaux Suspendus” évoque la tradition du “café suspendu” : au moment de consommer un café, on peut en payer un deuxième qui sera offert à une personne qui ne peut pas se le permettre. Une partie de ces chantiers sont réalisés en autoréhabilitation accompagnée et avec la participation bénévole d’artisan.es de la coopérative…

Ariane et Perrine : Pouvez-vous nous présenter le projet et nous expliquer comment il est né ?
Grégoire : Le projet Travaux Suspendus est porté par une association et un fonds de dotation. Il a émergé au sein de la CAE Cabestan en 2015 et un premier travail en interne a été mené jusqu’en 2022. Cette étape a été marquée par une étude de préfiguration faite par Nina Valette en 2017-2018, dans le cadre de son stage de fin d'étude. Elle a permis de confirmer la motivation pour ce projet et d'en définir les premiers éléments. Aujourd’hui, Travaux Suspendus vole de ses propres ailes, tout en restant très connecté à Cabestan.
Quand je suis arrivé en poste en 2022, je devais travailler sur le dispositif de collecte de dons avec l'idée centrale d'autonomie, de ne pas dépendre des subventions publiques pour pouvoir être libres dans nos modalités d'action et de ne pas se perdre dans la redevabilité. Le cœur de notre action c’est le mal-logement, la précarité énergétique. Il y a l’idée que des gens peuvent payer leurs travaux et d'autres pas, et donc qu’il faut un principe de solidarité entre ces deux publics.
Très tôt, l’intention était de créer une fondation qui soit commune à toutes les CAE du bâtiment. La coopération est au cœur des principes : on veut rentrer dans des logiques de complémentarité avec des acteurs qui existent déjà, et pas dans des logiques de concurrence. Il y avait aussi l’intention de pratiquer l'auto réhabilitation accompagnée (ARA), comme un des leviers qu'on voulait à la fois activer et promouvoir.

On a donc travaillé avec différentes associations qui accompagnent des publics précaires dans des travaux de rénovation, soit de sortie du mal-logement, soit de rénovation énergétique, en faisant le constat que la rénovation énergétique est un levier qui aide les gens à sortir du mal-logement. Ça ne règle pas tout mais ça permet de mobiliser des montants non négligeables et de manière plus simple que les cadres existants dans la lutte contre l’habitat indigne (LHI).

Ce qui est ressorti des premières enquêtes, c’est qu'il fallait travailler avec les propriétaires occupants en zone rurale, on avait constaté qu’il y avait un trou dans la raquette à ce niveau-là. Je suis donc allé voir SOLIHA, la fondation Abbé Pierre et les Compagnons Bâtisseurs pour comprendre les problématiques, les dossiers bloqués et les possibles leviers pour permettre de surmonter ces blocages et de faire aboutir les projets. Ces trois acteurs-là sont finalement venus renforcer notre comité de pilotage pour construire la partie action du projet. Il y avait déjà une histoire entre les Compagnons Bâtisseurs Rhône-Alpes et Cabestan, et des coopérations préexistantes d'artisan.es qui participaient en tant qu'accompagnateur.ices techniques à leurs chantiers.

Quelle est votre approche de l’autoréhabilitation accompagnée ?
On voit l’ARA comme un moyen d'impliquer les gens, de les rendre maîtres de leur logement. Comment mettre les gens, la transmission des compétences et des savoir-faire au cœur des projets ? En faisant un chantier accompagné, on ne règle pas que des problèmes techniques, on est aussi dans une logique de lien social : on adhère globalement aux principes des Compagnons Bâtisseurs.

Cabestan a porté assez fortement la question de l’ARA en interne, en partant du principe que beaucoup d’artisan.es le faisaient déjà sans le savoir. Il y a donc eu tout un travail au sein de Cabestan pour essayer de définir l’ARA et les méthodes pour accompagner et améliorer cette pratique. Ce travail a été fait au milieu des années 2010, avec la constitution d'un groupe de travail ACA/ARA et la création d’une commission.
Plusieurs niveaux d'ARA ont ainsi été définis, avec différents niveaux d’implication des ménages : parfois les client.es font une partie par elles.eux-mêmes et l’artisan.e sort cette partie de son devis, parfois il s'agit d’un chantier participatif encadré. Quand les artisan.es font de l’ARA, ils et elles doivent aller voir la commission ARA de Cabestan et leur dire ce qu’ils et elles envisagent. La commission, qui est composée de spécialistes de l'accompagnement aux chantiers participatifs, regarde le projet et propose éventuellement un compagnonnage pour améliorer la pratique s'il le faut. Ce groupe de travail a aussi créé une formation ARA au sein de Cabestan, qui n’est pas qualifiante mais qui est demandée en interne pour un certain niveau d'ARA. Elle a pas mal de succès ! Il y a donc eu tout ce mouvement dans les années 2010 pour structurer et faire de l’ARA un véritable levier, avec aussi des enjeux assurantiels qui sont forcément à traiter. Jusqu’à maintenant, on n'a pas eu d'incidents ou de sinistres sur des chantiers en ARA, ce sont plutôt des chantiers qui sont bien faits voire mieux faits que la moyenne.

En tout cas, il y avait dès le départ dans Travaux Suspendus cette intention de faire de l'ARA ainsi que cette relation avec les Compagnons bâtisseurs Rhône-Alpes. Beaucoup d'artisan.es voient du sens à faire de l'ARA, à transmettre, et souhaitent s'y former. Ils et elles en font rarement leur activité principale mais c’est une vraie corde à leur arc.

Tu peux nous parler un peu plus en détail du fonctionnement économique de Travaux Suspendus ?
On a voulu poser la question de l’arrondi sur facture et du don. On a demandé aux professionnel.les de Cabestan s'ils et elles proposeraient un tel dispositif de collecte de dons à leurs clients : 70% ont dit oui, il y a eu une forte adhésion au projet, c’était encourageant. On s’est aussi rendu compte qu’on parlait d’argent mais que, si on avait du temps et des compétences, on pouvait se rendre utiles autrement. On a alors posé une autre question dans cette enquête initiale : est-ce que vous seriez prêt.e à donner 1, 2, 3 jours par an à l’action contre le mal-logement et la précarité énergétique ? Là, 60% des répondant.es ont dit oui et on s’est donc dit qu’il y avait un enjeu.

On a donc aujourd’hui un projet avec un fonds qui est alimenté par des dons d’argent et par du temps d'artisan.e. Les questions qu'on s'est ensuite posées sont : comment les attribuer, à qui et pourquoi ? Pour sélectionner des “bénéficiaires” - on cherche encore le bon mot - il y a actuellement un comité d'attribution qui se réunit, qui est à moitié composé d’artisan.es et à moitié de professionnel.les de la lutte contre mal-logement qui sont nos partenaires (Compagnons Bâtisseurs, SOlIHA…). Quand on décide de soutenir un projet, on s'assure qu’il soit bien cohérent et qu’il y ait une suite. On priorise les chantiers avec de l’ARA mais on ne fait pas que ça.
Une première modalité d’action qu’on a identifiée, c’est quand il y a des restes à charge. Typiquement, on a un projet de travaux à 40 000 € ; la personne peut mettre 35 000 € avec les aides publiques et son épargne ; il va manquer 5000 €, ce qui bloque tous les travaux. On peut mettre ce dernier coup de pouce, et s’en tenir à fournir cette aide économique.

On a aussi constaté que certains postes de travaux n'étaient pas éligibles aux aides. Typiquement, dans le cadre de la rénovation énergétique, c’est compliqué de financer une toiture fuyarde. Il y a peu d’aides disponibles… Il existe le LHI, mais ça pose des problèmes en termes de complexité de dossier.
Quelque chose qui nous intéresse, c’est la mise en place de chantiers coopératifs pour des travaux qui ne rentrent pas dans le cadre de la rénovation énergétique. On en a déjà fait deux, en Ardèche et en Isère, là on en a une troisième qui arrive en Drôme. Le premier chantier c’était initialement du solivage, puis d’autres travaux s’y sont ajoutés. Le deuxième consistait à refaire une gigantesque toiture fuyarde dans un logement très dégradé. Le prochain, c’est sur une ancienne grange convertie en logement, d’une femme avec ses deux gamins. Ce n’est pas intentionnel mais ces chantiers étaient à chaque fois pour des femmes seules, souvent agricultrices, en grande précarité.

Et c'est quoi le principe des chantiers coopératifs ?
Les chantiers coopératifs sont comme des chantiers participatifs avec un encadrement par un artisan.e qui est rémunéré.e, sauf que les bénévoles sont des artisan.es et le ménage bénéficiaire. L’idée c’est de ne pas apporter que de l’argent ; la main d'œuvre offerte équivaut à 25 000 euros. Ces chantiers ont duré à peu près deux semaines et ont mobilisé sur la durée entre 30 et 40 artisan.es de Cabestan plus des bénévoles. Le principe ressemble à celui du chantier participatif, avec un défraiement des frais de transport, des frais de repas, des frais d'hébergement et un mélange de sachant.es et de non-sachant.es. C’est intéressant pour les artisan.es et le ménage de se retrouver pour faire une expérience de travaux collectifs. Les artisan.es ne vont pas nécessairement travailler sur leur domaine de compétences, il y a des charpentier.es qui font de la plomberie, des plombier.es qui font de la toiture, ou bien des personnes qui travaillent en bureaux d’études qui vont participer au chantier. Ça fait aussi que le ménage peut être pleinement impliqué comme les autres : c’est bien lui qui décide, on ne veut pas qu’il soit dépossédé. On est dans cette logique de brasser les compétences, de transmettre des gestes à des gens qui n’en ont pas au départ mais aussi entre sachant.es de techniques différentes. C’est très apprécié par les artisan.es de se rencontrer et se fédérer. Il faut qu’il puisse y avoir 8 personnes au minimum en même temps sur ces chantiers, avec une logique de chantier principal-prioritaire et de chantiers optionnels, au cas où on est plus nombreux.ses ou si on va plus vite.

L'autre enjeu c'est aussi la mobilisation et la promotion de l’ARA. Déjà, on passe de la théorie à la pratique dans un cadre sécurisé entre artisan.es ; il y a un.e coordinateur.ice de chantier qui a été en lien avec la commission. Ce.tte coordinateur.ice va s’assurer qu’il y a un.e référent.e technique pour chaque poste, pour que l’ouvrage soit bien réalisé et qu’il y ait une transmission des gestes.
Ce type de projet ne peut pas marcher si les gens chez qui on fait le chantier ne sont pas là. L’idée est de créer un lien, une équipe soudée. On demande donc aux bénéficiaires d'être présent.es tout du long. On peut imaginer que des personnes âgées n'ont pas nécessairement les capacités de faire du bricolage, mais ils et elles peuvent toujours être là et trouver leur place. Il y a toujours plein de choses à faire dans les chantiers participatifs : préparer le café ou les repas par exemple. Tout le monde fait partie de l’équipe, pas seulement celles et ceux qui sont sur le chantier.

Les chantiers collectifs et coopératifs participent à fédérer les artisan.es autour du projet Travaux Suspendus…
Ce sont souvent les artisan.es qui vont demander à leurs client.es s’ils souhaitent faire un don. Et aujourd’hui, le plus gros frein à notre fondation ne vient pas des client.es mais des artisan.es qui ont du mal à parler du dispositif. Le plus dur c’est toujours la première fois, parce que ce n’est pas évident de faire rentrer de la solidarité dans une relation commerciale et économique. Mais on voit que c’est en venant à ces chantiers collectifs que les artisan.es se mobilisent, s'accrochent au projet et deviennent même des ambassadeur.ices, parce qu’ils et elles le comprennent mieux, en ont été partie prenante et ont eu plein de temps informel pour discuter du projet pendant le chantier. Ce dispositif de collecte de dons va marcher, à condition qu’il y ait cette mobilisation et que la gouvernance soit bien gérée.

Avez-vous rencontré des difficultés administratives pour monter ces chantiers ?
Évidemment. Comment faire pour que le bénévolat ne soit pas considéré comme du travail dissimulé, pour ne pas tomber dans la concurrence déloyale ? Comment mettre en place une garantie décennale [qui assure pendant dix ans un ouvrage réalisé par un.e artisan.e] ? Il y a du gros œuvre donc il faut qu’il y ait les mêmes assurances que pour un client.e qui paierait…
Par rapport à l’assurance, on co-construit les choses avec les Compagnons Bâtisseurs et le montage est encore en train d’être travaillé. Jusque-là, officiellement, le chantier est accompagné par les Compagnons Bâtisseurs. Ils ont une décennale dans le cadre d’un contrat historique avec la MAIF, ce qui est a priori assez rare. Il y a un.e encadrant.e technique qui est payé.e par le/la client.e ou par le fonds, et celles et ceux qui viennent en bénévolat sont officiellement des bénévoles des Compagnons Bâtisseurs. On aurait pu s'arrêter là mais on ne voulait pas être dépendant.es des Compagnons, on préférait que leur rôle soit juste d'orienter des projets vers nous. On a décidé de tenter un système mixte, où il y a d’un côté des personnes bénévoles pour les Compagnons Bâtisseurs, et de l'autre du mécénat de projet. C’est le principe du pro bono, de la prestation de service gratuite : Cabestan s’engage à faire des travaux auprès des Compagnons Bâtisseurs pour leurs bénéficiaires. Pour les prochains chantiers, on va mieux identifier quels postes sont couverts par l’assurance des Compagnons Bâtisseurs et quels postes sont du mécénat de Cabestan (il y a une même décennale pour toustes les artisan.es qui font partie de la coopérative), pour qu’il n’y ait pas des postes couverts par deux décennales. On va faire des devis pour voir combien ça coûterait si on faisait le chantier de manière classique - ce sera le montant du reçu fiscal. Et les personnes qui ne sont pas encore en CESA (Contrat d’entrepreneur salarié associé) ou qui sont retraitées entrent dans le cadre du bénévolat pour les Compagnons Bâtisseurs. Voilà les différentes modalités de participation sur un même chantier.

Et comment vous vous articulez avec les Compagnons Bâtisseurs ?
Les Compagnons Bâtisseurs, comme SOLIHA, galèrent à se rapprocher des artisan.es, bien qu’ils aient cette volonté. Et nous on ne travaille pas du tout sur l’accompagnement social des propriétaires et des locataires, ce n’est pas ce qu’on sait faire. Donc ça marche assez bien de travailler ensemble. Nous on s’occupe du travail bénévole des artisan.es et de collecter des dons, les Compagnons Bâtisseurs font l’identification des bénéficiaires et le montage des dossiers.

Comment en êtes-vous arrivé.es à ce modèle là ?
Initialement, notre intention était de créer une SCIC (société coopérative d’intérêt collectif), de mettre de côté de l’argent pour ensuite payer des artisan.es pour faire des travaux. Ça reste une belle initiative et on verra si on la reprend dans le futur, mais c’est trop compliqué pour le moment. Premièrement, cela aurait créé beaucoup de complications en termes de coordination pour recruter les bon.nes artisan.es au bon moment quand les travaux sont déjà en marche, et cela aurait coûté cher. Ensuite, nous sommes une association d'intérêt général et on ne peut donc pas défiscaliser les dons si on les réserve pour payer des artisan.es identifié.es. Si ça ne bénéficie qu’à un cercle restreint, on sort de l’intérêt général.

Là vous en êtes à combien d’aide financière pour l’année ?
Pas beaucoup. On est au début du projet… Il y a des subventions qui permettent d'amorcer le projet, et notamment de payer mon poste. Je suis chargé d’animer le dispositif de collecte de dons et de discuter avec les artisan.es de comment et quand en parler aux client.es… Ils et elles s’approprient le dispositif de jour en jour. Sur un test auprès de 10 client.es, 5 ont décidé de contribuer. Ça veut dire que ça marche.

On a fait une expérimentation : en partant avec une petite somme de 15 000 €, on a réussi à aider trois ménages - deux dossiers portés par SOLIHA et un par la Fondation Abbé Pierre. Ce test a permis de voir quelles questions ça soulève, comment s’articuler avec les partenaires, comment choisir les bénéficiaires… Le bilan de Travaux Suspendus est donc pour l’instant de 2 chantiers coopératifs réalisés, et un en cours de préparation [au moment de la publication 3 chantiers ont été réalisés et 1 est en cours de préparation]. Il y a aussi eu 3 chantiers seulement financés par notre fonds.

Quelle est votre ambition, jusqu'où aimeriez-vous amener le dispositif ?
On aimerait bien que ça s’étende à l’échelle de la France métropolitaine ! L’idée est d’arriver à faire 2 ou 3 chantiers par an en Auvergne-Rhône-Alpes : c’est plus intéressant d’accompagner complètement 1 chantier sur 10 que de proposer des petits morceaux d’aide sur plein de chantiers. Et avec l'essaimage du projet dans d'autres CAE on souhaite atteindre à terme un rythme de 10 à 15 chantiers par an en France métropolitaine.
Déjà, rien qu’à partir de cette petite expérience, on a été contactés par 3 CAE qui sont intéressées par le dispositif, deux en Nouvelle Aquitaine et une en Hauts-de-France. C'est important, quand le dispositif se réplique, qu’il puisse aussi s’adapter : il faut de l’animation et de la coordination sur place pour construire les partenariats, et mettre en place des chantiers coopératifs sur des projets qui ont du sens sur ce territoire - aussi car sans chantier coopératif il n’y a pas de fonds. C’est une chose sur laquelle on se questionne beaucoup, quoi et comment répliquer…

Est-ce que vous vous questionnez aussi sur l’utilisation de matériaux bio- et géo-sourcés ?
C’est un vrai enjeu sur les chantiers coopératifs, c’est important pour les artisan.es. Ils et elles ne vont pas vouloir poser de la laine de verre. Ce serait super qu’on arrive à faire prochainement un chantier d’enduits ou de bois-terre-paille : ce sont des techniques qui demandent beaucoup de participation et de main-d’œuvre, et c’est ça qui nous intéresse.
C’est différent quand on apporte juste une aide financière. Avec Cabestan, on veut promouvoir des matériaux bio et géo-sourcés, mais c’est compliqué quand il n’y a pas beaucoup d’argent. On va donc financer des choses que nos artisan.es ne font pas, et ça pose question. Mais de l’autre côté, il y a une intention sociale : il vaut mieux aider des gens à isoler leur habitat, même si c’est avec de la laine de roche, que les laisser dans une situation de précarité énergétique. La posture que nous avons trouvée pour l’instant, c’est d’inciter plutôt que d'exclure. On va entamer une réflexion là-dessus dans les mois qui arrivent... On essaie de tenir les deux bouts entre l'intention écologique et l'intention sociale, ça n'est pas toujours évident.

Comment se passe la gouvernance du fonds par rapport à celle de la CAE ?
On y travaille encore… Travaux Suspendus est à la fois un fonds de dotation et une association, et il faut aussi que l'on continue à définir les relations entre ces structures. L'association porte le projet politique et fédère les parties prenantes. Le fonds de dotation est l'outil financier de l'association tout en étant garant de l'intention du don. Après, il faut éviter à tout prix l’effet ciseau, où l’association pourrait un jour vouloir aller dans une autre direction que le fonds de dotation - mais c’est lui qui détient les moyens économiques.
Ce qu’on cherche, c’est qu’il y ait dans la gouvernance de Travaux Suspendu une représentation des CAE et des artisan.es. Si les artisan.es ne viennent pas aux chantiers et ne proposent pas le fonds à leurs client.es, le dispositif n’existe pas du tout.

Est-ce que les partenaires ont aussi une place dans la gouvernance ?
Non, nous avons exclu SOKLIHA, les Compagnons Bâtisseurs et la Fondation Abbé Pierre de la gouvernance, ce n’est pas leur place. Ils sont plutôt dans un comité de partenaires ou d’attribution des aides.

Y a-t-il une volonté d’intégrer à la gouvernance les ménages qui ont bénéficié des travaux ou des aides aux travaux ?

On ne l'exclut pas, mais on verra. Pour celleux qui ont bénéficié du dispositif financier, ce serait difficile de les faire intégrer la gouvernance, on courait le risque que leur participation reste artificielle. Par contre, nous avons gardé de bons liens avec les ménages qui ont bénéficié des chantiers coopératifs. C’est un sujet à mettre en discussion collectivement.