La méthode de l’auto-construction accompagnée

L’autoconstruction, soit le fait de construire par soi-même un espace dont on aura l’usage, permet de s'affranchir de la production standardisée du bâti et de construire des lieux qui soient spécifiques aux besoins, pratiques, idées et imaginaires de leurs usager.es.

L’autoconstruction légale et réglementaire d’équipements recevant du public (du local associatif à l’équipement public) demeure rare. Beaucoup de personnes pensent qu’il est même impossible d’appliquer ce procédé constructif à une construction autre qu’une maison individuelle –la construction étant très réglementée pour les Établissements Recevant du Public (ERP). Il est pourtant possible d’autoconstruire de tels bâtiments, malgré les contraintes normatives, à condition que des professionnel.les accompagnent la conception et la réalisation du projet.

C’est dans cette perspective que la Facto développe et défend méthode dite de l’Auto-Construction Accompagnée (ACA), tant sur le plan théorique (recherche, écriture et diffusion) que sur le plan pratique (construction d’outils). Concrètement, l’autoconstruction accompagnée désigne un processus de construction effectué en grande partie par des personnes non formées aux métiers du bâtiment (généralement les bénéficiaires et commanditaires du projet) et encadrées par des professionnel·le·s -des architectes et des artisan·e·s- dont le métier est également transformé puisqu’ils et elles deviennent encadrant·e·s et formateur·ice·s. Dans cette logique, le rôle de l’association commanditaire est également transformé : elle tient généralement une place primordiale dans l’organisation du chantier et dans la prise de décisions.

Les structures qui nous sollicitent sont généralement tournées vers des enjeux sociaux et environnementaux. Chacune développe ses propres manières de faire, certaines inventent de nouvelles formes d’action, progressivement et en expérimentant. En réinventant des fonctionnements internes spécifiques, en fixant leurs propres règles, en mettant souvent en place leur contrat social non-monétaire, elles créent des espaces d’expérimentation et adaptent constamment leur projet à leurs moyens économiques, à leurs forces vives, à leurs nouvelles idées.

Leurs usages et pratiques de l’espace évoluent en conséquence, et leurs besoins en termes de locaux ou de mobilier ne sont jamais figés. Afin de nous mettre au service de ces structures collectives, il faut que nous réinventions notre rôle d’architecte. Nous devons nous adapter à de nouvelles temporalités de projet, à de nouvelles méthodes de conception tout en souplesse. Il s’agit de jongler entre le respect des contraintes normatives et la résolution de questions techniques, tout en insufflant dans ces projets de la liberté, de la créativité et de la coopération.

Maquette du projet On Sème Tous

Une démarche écologique

Techniques conviviales, chantier participatif et matériaux biosourcés

Nous militons pour diffuser l’usage et la transmission de techniques de construction artisanales, conviviales, créatives et écologiques.

Selon nous, ces notions sont intimement liées et ne peuvent aller les unes sans les autres. L’utilisation de matériaux bio-sourcés comme la paille ou la terre permettent aux artisan.e.s de se réapproprier des techniques constructives “low tech” qui ne demandent pas l’achat d’outils spécifiques ou de produits complémentaires dont certain.e.s vendeur.euse.s auraient le monopole. Ces matériaux permettent une mise en œuvre conviviale, selon les termes du philosophe Ivan Illich, car ils ne dépossèdent par les artisan.e.s de leur savoir-faire comme pourrait le faire un béton prêt à l’emploi. L’usage de matériaux de réemploi incite notamment les artisans à une grande créativité dans les techniques de pose ou de détournement d’objets.
D’un autre côté, des matériaux bio-sourcés mis en œuvre de manière conviviale obligent à des chantiers mobilisant plus de main d'œuvre. Ces chantiers se prêtent donc bien à des chantiers participatifs ou de formation, à la fois parce qu’ils permettent de mobiliser beaucoup de participant.e.s et à la fois parce qu’ils permettent de partager des savoir-faire artisanaux ne pouvant être transmis que sur le terrain.

La Facto cherche à mettre en œuvre ces principes et ces pratiques sur les chantiers qu’elle accompagne ainsi qu’à les diffuser plus largement auprès de tous les publics.

Réemploi de matériaux

Nous essayons d’inclure le plus de matériaux de réemploi dans tous nos projets de construction et nos ateliers.

La Facto récupère des matériaux de construction auprès de partenaires privés afin qu’ils soient réutilisés sur les différents projets de construction que nous accompagnons (sociétés Grosjean et Batirim-Suez pour la récupération de bois, société Muto pour le réemploi des aménagements événementiels, association de prévention du site de la Villette pour des grilles et matériaux métalliques).

Nous disposons sur la parcelle de la Prairie d’un container bricolage et de racks de stockage qui nous permettent d’entreposer des matériaux récupérés. Dans une logique de partage et pour faciliter le réemploi au sein des Murs à Pêches, nous mettons à disposition une partie de nos matériaux aux associations membres de la Fédération des Murs à Pêches.

Enfin, notre association développe depuis 3 ans des ateliers à destination du grand public pour promouvoir et encourager le réemploi à travers le bricolage et le « faire soi-même ». Nous organisons des ateliers de sensibilisation au réemploi ouverts à tou.te.s dans l’espace public. Grâce à l’encadrement d’animateur.ice.s expérimenté.e.s et la mise à disposition d’outils et de fiches pédagogiques, de petits objets ou meubles du quotidien sont fabriqués à partir de DMA (déchets ménagers ou assimilés) : fabrication d’éponges tawashi à partir de vêtements usagés, de lampes et boisinières à partir de boîtes conserve, d’appareils photo sténopés à partir de canettes et de bouchons...

Low-tech

Dans une même démarche alliant écologie et autonomie, la Facto mène un travail d’expérimentation et de transmission autour des low-tech.

La Base de Vie, progressivement aménagée à travers des chantiers participatifs, constitue un démonstrateur de systèmes low-tech liés à l’autonomie en énergie et à la gestion des ressources : système de phyto-épuration, récupération d’eau de pluie, four solaire... Les prochains chantiers prévus sont la fabrication de deux systèmes de chauffe-eau écologiques (un dispositif solaire et un dispositif à bois afin d’être performants été comme hiver) et de solutions d’autonomisation du container sur la production d’électricité, en installant une éolienne et des panneaux photovoltaïques.
Dans une même perspective d’expérimentation autour des basses technologies et de l’autonomie énergétique, nous mènerons en 2023 et 2024 le projet de construction en chantier participatif d’un triporteur solaire, la Facto ayant été lauréate du budget participatif, écologique et solidaire de la Région Île-de-France pour développer ce projet de transport et de recharge écologique.
Nous collaborons ponctuellement avec le Low-Tech Lab de Boulogne Billancourt pour l’animation d’ateliers (création d’un four solaire, cuisine low-tech sur le festival de Bellastock 2022).

Construction de la salle d'activités de Récolte Urbaine - Chantier participatif de pose des enduits en terre crue - Montreuil - 2018

Des Communs et des projets d’urbanisme transitoire au service des habitant.e.s

Pour aller plus loin dans notre réflexion, nous menons des projets de terrain sous forme d’occupations temporaires de parcelles. Nous y menons des expérimentations autour du travail collectif et des méthodes d’organisation à une échelle locale, permettant d’aboutir à des projets de construction ou d’urbanisme partant des usages.

Un exemple de ces projets est celui de l’occupation temporaire de la parcelle de la Prairie, dans les Murs-à-Pêches à Montreuil.

Nous y avons installé ce que nous appelons la Base de Vie, deux containers autour desquels nous proposons des ateliers de sensibilisation au bricolage, au faire soi-même, à la construction autour des basses technologies (low-tech), en lien avec les habitant·e·s des quartiers alentours, les associations et les structures locales (centre social, antenne de quartier…). L’organisation de ces ateliers nous permet à la fois d’être en lien direct avec les problématiques du quartier, d’identifier les besoins d’aménagements locaux et de diffuser les savoir-faire que nous acquérons nous-mêmes autour de pratiques constructives expérimentales.

Le container de la cuisine est d’ailleurs une expérimentation constructive à part entière. Initialement aménagé dans le cadre d’un appel à projet d’occupation temporaire d’une parcelle du quartier de la Noue à Montreuil, nous l’améliorons régulièrement au cours de chantiers participatifs afin de le rendre autonome en eau et en électricité. Ce travail permet à la fois de nous spécialiser dans la construction de systèmes de basse technologie, comme des fours solaires ou des fours à bois performants, des systèmes de récupération et de filtration de l’eau de pluie, de phytoépuration… mais également de nourrir notre réflexion sur l’urbanisme transitoire en général.

La vocation initiale de ces containers et leurs aménagements connexes (auvent, mobilier, basse-technologie) étant de faciliter la mise en oeuvre rapide et efficace de projets d’aménagements de l’espace public, ils sont conçus pour être facilement démontables, transportables et utilisables sans travaux lourds de branchements en eau et électricité.

Au-delà de susciter une réflexion sur l’aménagement de la parcelle, la présence des containers sur la Prairie génère un questionnement général sur l’utilisation des espaces partagés des Murs à Pêches, réserves de bio-diversité. Avec la Fédération des MAP nous souhaitons travailler avec la Ville de Montreuil sur la co-gestion de ce Commun. Nous avons rédigé une Charte d’usage et nous commençons à mettre en place une rencontre des usagers mensuelle, permettant de structurer la programmation des activités de cette place de village ainsi que la réflexion autour de sa préservation.

Mise à dispositif des containers lors du festival des Murs à Pêches 2022