Empreinte

Des chantiers participatifs jusque sur des marchés publics

L’association Empreinte, créée en 2004 et basée à Rennes, organise des chantiers de formation en éco-construction et accompagne des auto-constructeur.ices dans leurs travaux. Elle organise également différents formats d’ateliers, de sensibilisation et de promotion de l'habitat sain, passif et à faible impact écologique.L'association n’intervient pas que chez des particuliers, mais aussi sur des marchés publics (écoles, centres de loisir...) !
Nous avons rencontré Fabrice Auvé, président de l’association, et Adèle Guerin, salariée, au cours d’un chantier participatif qui a eu lieu aux Halles en Commun, un site d’urbanisme transitoire à Rennes. Fabrice et Adèle viennent de mettre au point une technique d’isolation par l’intérieur : des plaques de terre fibrées sont préfabriquées sur place puis vissées sur une ossature bois. L’espace entre le mur et les plaques est comblé par des blocs de terre-paille allégée et de la paille hachée.

Ariane et Perrine : Pouvez-vous nous présenter votre parcours et nous dire comment l’association Empreinte est née ?
Fabrice : J'ai grandi dans un milieu agricole rural et j'ai beaucoup aidé mes parents à la vie de la ferme. Je dis aujourd’hui que j'ai fait un voyage de la honte à la fierté - honte d'être fils de paysans, honte d'habiter dans une maison en terre, puis fierté d’utiliser ces matériaux et de porter cette culture paysanne.
J’ai travaillé à l’INRA (Institut national de la recherche agronomique) puis au MRJC, (Mouvement rural de jeunesse chrétienne), une structure d’éduc’ pop’ et de transformation sociale qui invite les gens à réfléchir et à vivre des expériences collectives pour se prendre en main, à plein de niveaux.
Puis j’ai visité une première maison en bottes de paille à Atée, en Mayenne, chez Thierry et Cathy, des personnes très inspirantes. J’ai ensuite découvertle REPAS, Réseau d'échanges de pratiques alternatives et solidaires au Viel Audon, et j’ai suivi une formation en bioéthique à la ferme Sainte-Marthe. En réalisant mon mémoire de fin de formation sur l’épanouissement professionnel, j’ai compris que ce qui me faisait plaisir dans l'agriculture, c'était de ramasser des bottes de paille à la main avec les ami.es et voisin.es, et les repas conviviaux qui vont avec. Je suis allé me former sur les chantiers de Botmobil, j’y ai rencontré des gens intéressants tout en menant une vie collective où on était nourri.es et logé.es. Botmobil, c’est une asso qui accompagne des chantiers de particuliers sur la pose de bottes de paille, les enduits de corps et de finition, pendant une à trois semaines. On aide l’autoconstructeur.ice à accueillir les bénévoles, à anticiper l’organisation des repas, à prévoir le matériel et l’approvisionnement des matériaux. On l’accompagne pour définir le nombre de semaines de chantiers, le nombre minimum et maximum de personnes à prévoir. Il y a plein de choses à penser pour que l'autoconstructeur.ice soit prêt.e le jour où débute l’intervention. J’ai été encadrant de chantier au sein de l’association Botmobil jusqu’en 2021, après quelques années en tant qu’apprenti.

Lors d’un chantier en 2005-2006, je découvre l’association Empreinte, que je rejoins immédiatement. Empreinte a été créée par Hervé Galès et Mima Julien-Galès en 2004 avec l'idée d'accompagner à l'éco-construction et à l'auto-construction, en allant loin sur la question du mode de vie et de la démarche globale dans les pratiques quotidiennes (toilettes sèches, phytoépuration, collecte d’eau pluviale…). Le but de l’association c’est aussi de permettre de l’entraide et de la solidarité sur les territoires grâce à la mise en réseau.

Et toi Adèle, quel est ton parcours ?
Adèle : Je suis salariée de l'association Empreinte et j’accompagne techniquement les chantiers participatifs et les actions de sensibilisation, notamment sur les marchés publics. Je suis aussi en soutien à la vie associative et au développement du projet de l’association. J’ai une formation initiale en architecture, mais je n’ai jamais travaillé en maîtrise d'œuvre. Pendant mes études et après, je me suis plutôt impliquée dans différentes associations qui faisaient de la sensibilisation, qui essayaient de mobiliser des personnes de tous âges et de tous horizons dans des projets d’urbanisme et de construction, en France et en Asie du Sud-Est. Au bout de quelques années de travail en médiation et en concertation, je me suis rendu compte que j’avais envie d’aller plus loin dans la démarche mais que je manquais de compétences techniques alors j’ai entamé une formation en écoconstruction de 9 mois pour me spécialiser. J’ai effectué mon dernier stage dans l’association Empreinte en décembre 2022, sur le chantier d’un ESAT, où les personnes handicapés participaient à la construction de leur nouvel équipement. Je me suis tout de suite retrouvée dans la démarche globale de l’asso et dans les idées portées par Fabrice sur les chantiers . J’ai eu envie de m’impliquer plus, ce qui tombait bien car l’association était à un moment de transition, il y avait besoin de renfort.

Pouvez-vous nous présenter les différentes activités de l’association ?
Fabrice : L’asso a commencé par l’organisation de visites tous les premiers samedis de chaque mois. L'idée est de faire découvrir un projet et de laisser parler les habitant.es autoconstructeur.ices pendant 2 ou 3 heures, accompagné.es par une personne de l'asso. Ces visites marchent très bien parce qu’on voit des expériences concrètes, on peut avoir plein de contacts d'entreprises, des retours sur des matériaux et des techniques, parfois avec quelques décennies de retour, et le ressenti des habitant·es.
Les visites peuvent concerner des chantiers terminés ou en cours, accompagnés ou non par Empreinte. Maintenant, on visite majoritairement des projets accompagnés par l’asso, parce que ce sont des chantiers dont on a une bonne connaissance. Mais pas seulement, on est aussi allé.es visiter des projets d'habitat groupé en éco-construction par exemple.

Dès le début, il y a aussi eu le cycle d'infos et d'échanges, qu’on anime toujours. C'est un cycle théorique qui a lieu le dernier samedi de chaque mois, avec une thématique - par exemple le gros œuvre, les finitions, l'isolation. On peut s'inscrire pour une journée, ou pour l'ensemble du cycle à l'année. C'est destiné à des gens qui veulent participer à leur chantier et comprendre comment concevoir. Le matin il y a un apport théorique sur le sujet, et l’après-midi les gens échangent autour de leur projet, en se nourrissant des réponses aux questions des un.es et des autres. L'esprit de l'asso a toujours été d’apprendre ensemble. Il n'y a pas qu’un.e sachant.e et des personnes qui apprennent ; chacun.e a un peu de savoir à apporter.
Ce cycle de formation est porté depuis les débuts par Hervé, dont l’activité professionnelle en dehors d’Empreinte est d’accompagner et conseiller des auto-constructeur.ices. D’autres personnes, parfois extérieures à l’asso, interviennent selon les séances et les moments.

On est aussi présent.es sur des salons. On participait depuis très longtemps au salon Ille & Bio, un salon d'agriculture biologique très porté sur l’écologie au sens large en Ille-et-Vilaine. On y vendait des prestations de démonstration, d’animation d’atelier, de conférence, d’exposition...
Pendant plusieurs années, on a reçu des classes de 20 à 30 enfants pour des animations de 45 min tous les vendredi. On faisait des ateliers d'enduits en terre, de peinture à la terre, de fabrication d'adobes [briques de terre crue]. On a aussi projeté les épisodes de “C’est pas sorcier” sur l’éco-construction. Ça m'a fait découvrir la sensibilisation auprès d’enfants, j'ai appris à avoir du plaisir avec ça aussi.
Dans les autres activités de l'asso, il y a aussi les stages pratiques et théoriques. Sur une ou plusieurs journées, on partage un maximum d'apports théoriques sur une thématique puis on met en pratique sur chantier. Ça peut être pour et chez des personnes qui ont un projet, ce qui leur permet de bénéficier de la formation et de lancer leur chantier. Si on prend l'exemple d'un mur en adobes, il va y avoir une matinée de théorie sur la brique de terre crue, et l'après-midi où tout le monde s'essaye à la maçonnerie. Ça marche avec plein de sujets qui touchent à l'habitat écologique, par exemple les toilettes sèches, la phytoépuration…

Combien y a t-il de participant.es sur ces stages et quels sont les tarifs ?
Fabrice : Au début, on vendait les journées de formation 70 € et les stages 50 ou 60 €, pour 5 à 12 participants. On a fait des demi-tarifs pour des personnes demandeuses d'emploi ou qui avaient moins de sous, mais on a longtemps proposé des stages payants. C'est seulement il y a 3 ans qu’on a commencé à demander un prix libre et conscient pour certains stages, en constatant que plein de gens avaient moins de sous et qu'on devait annuler beaucoup de sessions. Ces participations permettent de payer les intervenant.es.

J'imagine que le but est que les autoconstructreur.ices qui accueillent une journée de stage soient autonomes pour continuer le chantier ? Est-ce qu’ils et elles arrivent à se passer d'encadrement pour la suite du chantier ?
Adèle : Ça dépend des personnes. Par exemple, on a accompagné des auto-constructeur.ices sur une phase de fabrication de briques, puis on a fait un stage là-bas pour la partie maçonnerie. On leur a prêté les outils pour qu'ils et elles finissent leur mur : ils.elles n’avaient pas énormément de budget et voulaient faire seul.es. Le simple fait d’installer le chantier, c'était déjà un grand soutien pour les lancer dans la dynamique.
Fabrice : Sur un autre chantier, on avait au contraire convenu d’un accompagnement dans la durée : on était chez quelqu'un qui avait plaisir à faire mais qui avait conscience qu'il était plus à l'aise avec un accompagnement professionnel tout du long. On a fait un stage chez lui parce que ça s'y prêtait et qu’il était vraiment dans l'état d'esprit pour l’accueillir.

Pour les chantiers chez des particuliers, est-ce que la participation des client.es est pour vous une condition d’intervention, ou ça peut arriver que vous soyez seul.es sur un chantier, comme des artisan.es classiques ?
Adèle : C’est très rare qu’on soit seul.es. Les personnes chez qui on intervient participent souvent au début, pour comprendre comment on construit. Puis parfois on continue avec d’autres personnes bénévoles ou stagiaires. Dans ce cas, on peut utiliser le chantier comme un support de formation. Si les personnes chez qui on intervient ne peuvent pas participer, on peut proposer d’accueillir des personnes du réseau de l’association qui ont envie de se former sur chantier.
Fabrice : Nous, on aime faire avec les gens, donc on essaie de favoriser au maximum l’entraide et la convivialité sur les chantiers.

S’il y a des bénévoles, c'est plutôt au particulier accompagné d'aller les chercher ou vous recrutez aussi sur ce type de chantier ? Et comment se passe la vie collective ?
Adèle : Il y a eu beaucoup de participation via l'asso ces derniers temps mais ça dépend des personnes accompagnées. Il y en a qui mettent elles-mêmes des annonces sur Twiza ou dans les biocoops, commerces et associations du coin. Il y a souvent de la participation du réseau local des personnes chez qui on intervient, des ami·es, des voisin·es, de la famille…
Quand on a pas encore de dates de chantier précises, il y a un formulaire sur le site de l’asso qui permet aux personnes de nous dire si elles sont intéressées par les chantiers et de nous parler de ce qui les amènent vers l’association, ce qu’elles aimeraient découvrir ou apprendre comme techniques, quel est leur secteur géographique et leur mobilité. On les recontacte en fonction des chantiers.

Fabrice : Je n’ai eu qu’une seule fois le cas d’un gars qui ne voulait pas accueillir d'inconnu.es sur son chantier, mais ça a permis d’accueillir 4 générations de sa famille et ses ami.es. C'est aussi un état d’esprit d'accueillir des inconnu.es, c'est important d'être prêt.e. Il faut avoir envie de rencontrer des gens. Quand j'étais à Botmobil, on vérifiait que les gens ne voulaient pas un accompagnement juste pour que ça coûte moins cher. Les personnes qu’on accompagne, il faut qu’elles aient envie de faire avancer leur chantier mais aussi de rencontrer du monde, d'avoir une vie collective. C’est essentiel.

Adèle : Chez les particuliers, la vie collective prend beaucoup de place mais elle est moins portée par l'asso et beaucoup plus par les auto-constructeur.ices qui nous accueillent. Ils et elles sont impliqué.es dans l’organisation des repas, pilotent souvent le choix des menus, font les courses. Ils et elles se font parfois un peu accompagner pour ça, mais c'est plutôt rare. Et puis tout le monde participe à la préparation des repas, le soir surtout et le midi en alternant. L'année dernière, il y a eu un chantier sur lequel un bénévole qui est cuisinier s’était proposé pour s’occuper des repas et permettre à l’autoconstructrice de passer plus de temps sur le chantier.
Dans le questionnaire posté sur le site, on pose la question : est-ce que vous avez envie de participer à la cuisine, ou à d'autres activités ? Est-ce que vous avez envie de participer à animer la vie collective ? Ça nous aide à préparer les chantiers.

Comment facturez-vous les accompagnements que vous proposez, au temps passé ou à la tâche ?
Adèle : L’idéal c’est de réussir à faire les deux. On cherche à évaluer le temps qui permet de réaliser une mission et à proposer un format adapté aux besoins et envies d’accueil. En fonction de l'état d'avancement de l'auto-constructeur.ice au moment où on arrive, il y a plus ou moins de préparation avant qu'on puisse vraiment intervenir en groupe, ou parfois des finitions plus techniques à faire après. C'est ça qui peut changer la temporalité. On ajoute ensuite dans la facture les matériaux, ou du matériel s’il y en a, mais les achats ne passent pas toujours par l’asso.

Et vous organisez aussi des chantiers participatifs dans le cadre de marchés publics ?
Fabrice : Oui, ça c'est depuis 2021. Ça a commencé avec le chantier de réhabilitation d’une salle des fêtes à Laurénan, où il y avait une isolation paille par l'extérieur et des enduits terre à réaliser, avec une participation possible de pleins de publics différents. La configuration du chantier permettait d’accueillir beaucoup de personnes en même temps. Pour des questions assurantielles, l’entreprise de charpente a proposé de porter la réponse au marché pour le lot commun charpente et paille. Les architectes sont venus me chercher parce qu’il y avait de la participation demandée par la commune, que j’avais de l'expérience en accompagnement de chantier paille et que j’habite à 35 minutes du chantier.
En 2022, on voit passer le marché de l’école élémentaire de Saint-Jacques de la Lande, le premier chantier enduits terre sur paille dans Rennes métropole On a construit une réponse avec l’entreprise Maison en Terre, avec l’aide de personnes compétentes sur les questions d’administration et de marchés publics, en s’accordant sur l’idée d’une contribution d’Empreinte pour la partie animation et sensibilisation. les enfants participaient déjà à imaginer leur école depuis 2-3 ans, donc c'était propice. On a obtenu le marché et on a discuté des modalités de participation avec les services de la Mairie. En plus de l’ouverture du chantier pour les services techniques, les habitant·es, les parents d’élèves, les jeunes en quête d’orientation, on a fait participer tous les enfants de l'école sur deux jours et quatre ateliers. Le petit film Ils Construisent leur École raconte cette histoire. Faire intervenir des enfants sur le chantier, c’était ce que je voulais faire depuis longtemps et qui n’avait pas été possible jusque-là.

De manière générale, comment se passent les réponses aux appels d'offre de marchés publics ? Sur la question des assurances et sur la question du chiffrage ?
Adèle : Quand un marché public nous intéresse, on répond souvent en partenariat avec une entreprise compétente qui porte la partie travaux [et qui engage son assurance décennale] et l’association intervient sur la partie animation et communication.
Il y a des cas de figure où la demande d'intégrer de l'animation de chantier participatif est inscrite dans l’appel d’offre. Donc c’est une demande à part entière qu’il faut chiffrer. Mais dans la plupart des cas, le marché est chiffré par l’entreprise pour rester dans des prix justes de réalisation. On adapte ensuite les propositions d’animation en fonction du budget et de ce qu’on imagine adapté. On peut être force de proposition dans la démarche, mais on reste aussi à l’écoute de la maîtrise d’ouvrage et des usager·es.

Fabrice : Il y a des collectivités qui sont prêtes à mettre plus d’argent ou de moyens si la dimension sociale ou éducative est mise en avant, mais ce n’est pas tout le temps le cas. Certaines collectivités contribuent autrement au chantier en facilitant l’accueil des publics, en offrant les repas, en mettant à disposition des solutions d'hébergement, en favorisant l’accès à des sanitaires, des espaces de formation et d’activités… Elles peuvent aussi être un relais dans la communication des animations et la recherche de participant·es.

Sur les chantiers en marché public, comment est organisée la gestion des repas ?
Adèle : Plusieurs formats sont possibles, selon les chantiers, la période et les encadrant·es de chantier. Jusqu’à présent, on prévoyait un budget d'intendance de 10 à 15 € par personne et par jour. Par exemple, sur le chantier des Halles en Commun, on fait du chantier à la journée donc on ne prend en charge que le repas du midi. Il y a d'autres chantiers à la semaine avec vie collective complète, sur lesquels il faut réfléchir à une logistique matin, midi et soir. L’idéal c’est d’avoir au moins une personne dédiée à la gestion des repas dans l’équipe, surtout pour l’approvisionnement. La préparation peut se faire de façon plus collective, on sait que ça fonctionne avec l'expérience des chantiers participatifs et des lieux autogérés. On a essayé un système d’auto-gestion sur 5 jours, mais avec du chantier et des temps de formation et d’animation avec du jeune public, ça demandait beaucoup d’implication.

Fabrice : A Laurenan par exemple, je me suis inspiré des chantiers Botmobil où c'est l'autoconstructeur.ice qui gère les repas. J’ai proposé que la collectivité organise l’intendance, l'organisation des repas, l'accueil des groupes et la mise à disposition de logements. Il se trouve qu’il y a un restaurant bio sur place, la Maire était emballée à l’idée de faire appel à ce nouveau restaurateur bio. Il y a aussi eu un appel aux habitant.es pour qu'ils et elles accueillent les participant.es au chantier, ce qui permet de faire du lien.

Quels profils de personnes participent à vos chantiers et est-ce que vous vous mettez parfois en lien avec des structures partenaires pour faire participer des publics spécifiques ?
Adèle : Pour la mobilisation, c'est un peu au cas par cas... Quand c'est un chantier d'école, c'est assez facile d'aller chercher les futur.es élèves. Même si les classes changent d'une année à l'autre, les équipes pédagogiques peuvent facilement suivre. Après, dans le cas de figure des Halles en commun, on a plutôt travaillé en partenariat avec des gens qui sont ici, qui connaissent les structures du coin, qui ont fait ce travail de mobiliser des groupes. On peut aussi s’appuyer sur les collectivités pour mobiliser des personnes, des associations, des structures.

Fabrice : A Laurenan, c'est nous qui avons proposé au directeur de l’école de faire participer les enfants. Du coup ils et elles se sont arrangé.es pour faire venir les enfants une première demi-journée, ainsi qu’un samedi avec leurs parents. Pour la salle des fêtes à Saint-Jacques-de-la-Lande, le directeur général des services était très à l’écoute et a permis d’organiser des ateliers sur deux jours avec les enfants, les parents d’élèves, mais aussi des élu.es et des agent.es des services techniques.

Adèle : La présence des agent.es de la Ville et des services techniques est liée à l’objectif de maintenance du bâtiment. L’idée est qu’ils et elles comprennent comment sont fait les murs et comment les entretenir.

Fabrice : En 2022, on s’était aperçus que les centres de formation débordait de demandes - en réalité ce phénomène était assez ponctuel et lié au Covid. Pour le chantier de Saint-Sulpice-la-Forêt [construction d’un centre de loisirs], on s’est dit qu’on pourrait faire de la formation sur chantier au lieu de chercher des bénévoles sur le mode du chantier participatif. Finalement, ça n'a pas pu avoir lieu comme on l’avait imaginé au départ, à cause d’un manque de communication. Peut-être aussi qu’il y a eu moins de gens intéressés parce qu’on n’a pas pu faire les modules torchis et adobes. Le projet s’est transformé, on a plutôt invité les habitant.es à venir : il y a eu plein d'élu.es, des bénévoles, leurs enfants, ce n’était pas ce qu’on avait imaginé au départ et on y a passé un peu plus de temps que prévu, mais c’était une chouette expérience collective.

Adèle : Cette année, on a fait un chantier au Pôle périscolaire de Saint-Jean-la-Poterie sur lequel on proposait de la formation à l'animation de publics sur chantier. L'idée était de compléter notre équipe d'encadrement avec des professionnel.les qui sortent de formation ou qui ont envie de se diriger vers de l'animation ou de l'encadrement de public sur chantier, et de leur proposer de partager cette semaine d'animation auprès du jeune public avec nous. C’est un encore un autre profil de participants. On a parlé de cette formation surtout dans le réseau proche de l’association. Finalement, la formation s’est remplie assez vite avec des stagiaires qui étaient venus les mois passés et on a pas eu besoin de communiquer plus largement.
En tous cas pour ces chantiers, il y a un vrai enjeu sur la communication. Pour identifier les réseaux, pour aller chercher des personnes intéressées et pour que les infos arrivent à leurs oreilles, il y a un vrai travail à faire. Pour l'instant, beaucoup de gens viennent via le bouche à oreille.

Sur vos chantiers, quels types d’outils est-ce que vous privilégiez ? Est-ce que vous pouvez nous parler des méthodes que vous développez pour améliorer les conditions de travail des intervenant.es et participant.es aux chantiers ?
Fabrice : Venant du monde agricole, j'ai démarré les chantiers en utilisant beaucoup les machines : malaxeurs électriques, malaxeurs derrière tracteurs, broyeurs paille… Beaucoup de machines qui font du bruit, qui amènent une vigilance sur la sécurité mais qui aident à aller plus vite. Puis j'ai progressivement un peu lâché les machines et développé des techniques tout à la main.
Depuis Laurenan, on utilise presque aucune machine. Seulement des bacs à hauteur dans lesquels on mélange à la main. Quand on fait ça, on peut se parler, chanter, ou être dans le silence. Ça favorise le bien-être, le fait de se ressourcer. C'est énorme. J'ai vécu des expériences où 15 personnes sont autour d’une table toute la journée, les gens causent, il n'y a pas un bruit de machine qui empêche l'échange. A ce moment-là il y a une intensité sociale assez incroyable. Des chantiers chantants, c'est arrivé aussi. Mes trois mots sur les chantiers c'est sens, plaisir, efficacité.